Ce matin le réveil s’accompagne d’une sensation de gueule de bois… pourtant la veille n’a pas été marquée par la moindre fête, pas même par le moindre verre d’alcool. Il s’agit seulement des conséquences d’une semaine bien chargée et de nuits écourtées. Je me sens fatiguée, vide, déconnectée de moi-même. J’ai besoin de prendre mes distances avec l’ordinateur ; mon corps entier réclame de la lenteur, et encore plus de silence que d’habitude. J’aspire à m’asseoir en pleine montagne, sous un arbre, et à tout simplement faire le plein d’énergies ressourçantes et de reconnexion avec la nature.

Une longue méditation me permet de me recentrer, et le temps que je me prépare, le soleil matinal disparaît derrière un brouillard cotonneux, qui enveloppe peu à peu la maison. Le projet balade a du plomb dans l’aile, et finit par se transformer en expédition… dans mon petit coin de potager ! Bon, c’est mieux que rien, je peux tout de même m’emplir des parfums de l’extérieur, et reconnecter avec la terre, et au moins je n’ai pas besoin d’attestation !:D
Je suppose qu’il y a plusieurs manières de regarder mon potager, mais pour ma part, je préfère l’envisager comme une joyeuse cohabitation entre plantes sauvages et plantes cultivées. Ainsi les violettes et les fraisiers sauvages y prospèrent, quelques pieds d’orties y ont élu domicile, les pissenlits et le plantain lancéolé y sont les bienvenus et toute une colonie d’égopode s’y épanouit du printemps aux premières neiges.

Egopode : attention, voici une plante très controversée, au potentiel explosif particulièrement développé. Lorsque je mentionne cette plante, j’entends souvent des commentaires exaspérés de jardiniers menant un combat sans merci contre ce qu’ils considèrent comme une malédiction ! Une chose est sûre, ils ne gagneront jamais, car le système de rhizomes de l’égopode est impressionnant de résilience et survit à tous les désherbages. Je propose donc de tout simplement changer son point de vue, et d’éprouver une gratitude infinie envers cet Ami qui vous veut du bien, si vigoureux qu’il ne nous demande aucun travail et si généreux qu’il nous offre abondamment ses feuilles de mars à novembre :). De mon côté, je bichonne ma colonie avec amour, et de temps en temps je coupe et mange tout, afin de pouvoir presque en permanence récolter de jeunes feuilles bien tendres.

Aujourd’hui, après quelques attentions empruntes de tendresse, je me décide finalement pour un mélange égopode / ortie. Mon projet initial de pastilla à l’égopode (une merveilleuse recette de mon amie Noëlle d’Herb’amies, que vous avez peut-être eu l’occasion de goûter lors d’un de mes stages) évolue finalement en test de brik* à l’égopode. A défaut de promenade et de ressourcement sous les arbres, je vais laisser libre cours à mon imagination culinaire…
En rentrant, je pèse les plantes cueillies : j’en ai environ 100 g (1/3 d’orties et 2/3 d’égopode), que je lave, puis sèche à l’essoreuse à salade, avant de hacher avec le hachoir demi-lune. Dans un peu d’huile d’olive, je fais revenir 1/2 oignon émincé ; j’y ajoute ensuite 100 g de carottes râpées, des épices Colombo, je sale et je laisse cuire à petit feu, en mouillant légèrement lorsque l’huile menace de trop chauffer. Lorsque le tout est presque cuit, j’ajoute les plantes hachées puis 100 g d’amandes concassées : une fois que les amandes sont dans la poêle je me dis que ça aurait certainement été très bon de les faire torréfier… une autre fois peut-être ! J’assaisonne de nouveau avec des épices Colombo, et je goûte pour vérifier l’équilibre des saveurs.

Quand le tout est cuit, je transvase dans un cul de poule et j’ajoute une poignée de raisins secs ainsi que 4 bonnes cuillers à soupe de fromage de brebis et un petit bouchon de vinaigre de cidre. Je goûte : c’est parfait ;). Il me suffit maintenant de déposer 2 à 3 cuillers à soupe de farce au centre de chaque feuille de brik, à replier les feuilles et à les déposer sur une plaque de cuisson huilée. Avec un pinceau je badigeonne également le dessus des feuilles de brik d’huile, puis j’enfourne à 180 °C et je laisse cuire 30 mn, en retournant les briks à mi-cuisson.
*La brik est un plat originaire du Maghreb, préparé dans une feuille de pâte très fine, nommée « feuille de brik », que l’on farcit : c’est un peu l’équivalent de notre chausson.

Les effluves appétissantes qui envahissent la maison se révèlent à la hauteur de leurs promesses : les briks sont fameuses, la recette est adoptée, voilà une petite journée sans prétention qui se révèle finalement nourrissante à tous niveaux !
Désireux-se de faire plus ample connaissance avec l’égopode ? Vous apprendrez tout sur l’identification de l’égopode dans le Cahier 6 de l’Aventure au Coin du Bois, et vous pourrez découvrir d’autres recettes pour cuisiner cet Ami qui vous veut du bien (j’insiste ! :D) dans Cuisiner la nature. Bon appétit !