Une colonie de mauves ! C’est ce que j’aperçois du chemin, de retour d’une petite balade. Voilà une rencontre inattendue en ce mois de novembre et à cette altitude, rendue possible par la douceur inhabituelle de cet automne. Je ralentis le pas : des idées de recettes toutes plus appétissantes les unes que les autres me viennent immédiatement à l’esprit.
Couramment consommée au Maghreb, cette plante est particulièrement riche en mucilage, une fibre qui gonfle au contact de l’eau, et que l’on retrouve dans les graines de lin et de chia, ou encore dans celles de plantain (le psyllium blond, aujourd’hui très prisé, est d’ailleurs tout simplement l’enveloppe d’une graine de plantain asiatique, Plantago ovata). Nettoyant, protecteur, apaisant, cicatrisant, il calme les systèmes digestifs irrités et régule le transit intestinal. En cuisine, ce même mucilage lui confère un pouvoir épaississant, bien utile lorsque l’on fait une soupe, qui lui permet aussi de donner de l’onctuosité aux béchamels et autres sauces. Si on ajoute à cela sa richesse en protéines complètes et en calcium (5 fois plus que le lait de vache à poids égal), qui plus est, est biodisponible, il devient évident que c’est un véritable cadeau de la nature, à adopter en cuisine avec enthousiasme !

Réjouie de cette rencontre inespérée et anticipant déjà une belle cueillette, je sors du chemin et me dirige vers les tapis de feuilles arrondies. Mais au moment où je me baisse pour commencer à cueillir, l’enthousiasme fait place à la déception : la plupart d’entre elles sont parasitées par un champignon qui leur donne un aspect rouillé. Exit les bons petits plats que je pensais pouvoir me concocter ! Quoique… En tournant la tête, j’aperçois des feuilles de roses trémières juste à côté. Elles sont toutes jeunes, et proviennent d’une repousse tardive : quelqu’un a dû couper les tiges fanées en fin de saison, et les températures plus douces qu’à l’accoutumée ont encouragé la venue de nouvelles feuilles.

Comme les mauves, les roses trémières appartiennent à la famille des Malvacées, et sont comestibles et riches en mucilage. Ici à Auris il se trouve qu’il y en a beaucoup, et parfois, lorsque je n’ai pas assez (ou pas du tout) de mauve, je complète avec (ou je remplace par) des feuilles de roses trémières. J’avoue qu’elles sont moins fines au niveau de la saveur, mais elles ont l’avantage de rapidement faire du volume ;).
J’opte donc pour un mélange : je cueille le maximum de feuilles de mauve non parasitées, et je complète avec quelques feuilles de roses trémières. De retour à la maison, je passe en revue ce que j’ai sous la main pour décider de la manière dont je vais les cuisiner. Je finis par opter pour une adaptation aurienchonne de la khoubiza, un plat que j’ai souvent préparé au Maroc, qui est cuisiné avec de la mauve, dont le nom arabe est précisément khoubiza.

Après avoir fait revenir de l’oignon émincé dans de l’huile d’olive, j’ajoute les feuilles préalablement lavées, séchées et hachées à l’aide du hachoir demi-lune. Je sale, je poivre, j’épice avec du cumin en poudre et je verse l’équivalent d’une cuiller à soupe de jus de citron. Puis je puise dans ma petite réserve de tomates cerises : cueillies vertes fin septembre lorsqu’il a prématurément neigé, elles mûrissent désormais tranquillement derrière la fenêtre de la cuisine et donnent un petit air estival aux salades et autres crudités. J’en sélectionne une bonne dizaine que je coupe en deux, et que j’ajoute au mélange dans la poêle. Je laisse encore cuire 15 à 20 mn, je rectifie l’assaisonnement et je sers tel quel, bien chaud. C’est un vrai régal… et l’espace d’un repas, je revis quelques instants magiques dans la palmeraie, lorsque je préparais la khoubiza dans le plat à tagine et que nous le dégustions avec le pain plat, typique de la région. Une belle manière de voyager en plein confinement ! 🙂
Vous pouvez découvrir d’autres recettes à base de mauve dans Cuisiner la nature (Ed. Rustica, 2019) !

Bonjour,
cela a l’air plutôt appétissant ! Je savais que les feuilles de rose trémière étaient comestibles mais j’avoue que je ne les ai jamais utilisées en cuisine. J’avais dû faire une fois un essai en mélange de salade (jeunes feuilles) mais les avais trouvé pas suffisamment tendres.
Pour ce qui est des mauves, pour l’instant je les ai principalement utilisées en tisane (surtout les fleurs séchées).
Du coup dès que cela sera possible, je pense que j’essaierai votre recette.
Merci à vous !
Merci de votre retour :). Effectivement, en salade ça doit être coriace ! La cuisson les ramollit : en revanche elles sont très mucilagineuses (plus que les mauves). Bonnes expériences culinaires 🙂